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Pour beaucoup de manifestants, il se passe en effet quelque chose. Sur les trottoirs du Boulevard Voltaire, un homme à la barbe grise s’approche de deux policiers, leur sert la main, incline la tête en signe de respect et lance un bref “merci.” Vincent a une soixantaine d’année. Cet ancien ouvrier, aujourd’hui avocat est un proche de la maire de Paris, Anne Hidalgo. “Triste, ému et content qu’on soit capable de faire ça”, l’homme a le sens de la formule :



LA MANIF' VRAIMENT POUR TOUS

C’est le plus grand rassemblement organisé en France depuis que l’on compte des manifestants : plus de 3,5 millions de Français dans les rues, entre 1,5 et 2 millions de manifestants à Paris. Derrière les grands de ce monde, des journalistes, des policiers, des militants associatifs et des centaines de milliers de citoyens, sont venus défendre la liberté d’expression. Dimanche 11 avril, ils étaient “Tous Charlie”.

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Stations de métro République et Fille du Calvaire fermées, c’est à Parmentier qu’Isabelle et son fils Romain vont tenter de rejoindre le cortège. Cette publicitaire d’une cinquantaine d’année n’est pas descendue dans la rue depuis 1986, lorsqu’ étudiante, elle s’était opposée au projet de loi Devaquet, un projet de réforme des universités abandonné après la mort de Malik Oussékine:
 

 

 

 

Dès la sortie du métro, les accès au cortège sont bloqués. Les forces de l’ordre répartissent les manifestants en plusieurs groupes. Une fois la marche lancée, ils devront converger vers le Boulevard Voltaire avant de rejoindre la place de la Nation. Des policiers sont positionnés sur les toits, d’autres sont armés de carabines “Armement et Moyen de Défense”, des armes “sortis de la naphtaline” selon le député socialiste du Nord et réserviste militaire Nicolas Bays venu défiler, écharpe tricolore en bandoulière.






C’est un devoir, c'est La manifestation qu’il faut faire. Hier, je ne voulais pas y aller et puis je me suis dit, il faut leur montrer qu’on a pas peur.”

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Dès la sortie du métro, les accès au cortège sont bloqués. Les forces de l’ordre répartissent les manifestants en plusieurs groupes. Une fois la marche lancée, ils devront converger vers le Boulevard Voltaire avant de rejoindre la place de la Nation. Des policiers sont positionnés sur les toits, d’autres sont armés de carabines “Armement et Moyen de Défense”, des armes “sortis de la naphtaline” selon le député socialiste du Nord et réserviste militaire Nicolas Bays venu défiler, écharpe tricolore en bandoulière.



François Bayrou, Rachida Dati… quelques hommes politiques se positionnent en tête de cortège aux côtés des syndicats de journalistes, des associations de défense des droits de l’homme, de l’Union des étudiants juifs de France et de centaines de milliers Charlie d’un jour. Gérard est venu en famille en tant que “citoyen et juif”. La dernière fois qu’il a manifesté, “c’était pour Ilan”, Ilan Halimi, vendeur de portable juif, séquestré, torturé puis tué il y a neuf ans parce qu’il était juif :








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“Ça repart comme avant mais peut-être que cette fois, il va se passer quelque chose. Avec les grands discours, la mobilisation internationale, on va voir...”

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Par dignité sans doute, les syndicats de policiers unis ont décidé d’intégrer le défilé après les journalistes. Ils sont une bonne centaine à brandir des pancartes “Je suis policier.” Parmi eux, Luc Poignant, chargé de la communication pour Force ouvrière :

“On a perdu trois des nôtres. Notre famille est touchée. Nous sommes très sensibles aux messages d’amour mais dans une semaine, il ne faut pas rêver, ça va être vite terminé.”


Carte de police en main, les policiers entonnent la Marseillaise suivie d’un silence poignant. La marche s’arrête quelques minutes puis repart. La foule contenue Boulevard Richard Lenoir rejoint le cortège officiel. Les manifestants marchent désormais ensemble en direction de la place de la Nation.  

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“En 1968, les flics étaient dégueulasses, aujourd’hui

ils sont dignes et efficaces.”

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Depuis plus d’une heure, Nathalie attend derrière le cordon de sécurité. Malgré “une petite appréhension”, cette institutrice d’une cinquantaine d’années a contourné plusieurs barrages de police pour rejoindre le cortège principal :



“Ca fait du bien, une manifestation qui unit après les manifestations qui ont divisées. Ce qui m’amène, c’est que l’on soit aussi nombreux pour une même idée de la liberté.”



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La nuit tombe sur Paris. Le boulevard Voltaire continue de déverser des centaines de milliers de manifestants vers la place de le Nation. En queue de cortège, l’artiste photographe JR a composé une oeuvre mobile en huit panneaux dessinant le regard curieux et incisif de Charb, le directeur de la rédaction de Charlie Hebdo tué sous les balles des frères Kouachi. Derrière la photo, les derniers manifestants profitent des ultimes heures du rassemblement.


Le défilé prend des allures de kermesse. La fumée blanche des barbecues des vendeurs de sandwichs improvisés traverse le boulevard. Certains habitants ont ouvert leurs fenêtres diffusant Bob Marley ou Aretha Franklin.

Les manifestants partagent-ils tous cette même idée de la liberté ? Marie, 33 ans dit avoir été Charlie mercredi place de la République lors de la manifestation spontanée de soutien aux journalistes de l’hebdomadaire satirique. Aujourd’hui, elle redevient Marie pour “combattre l’ignorance et la récupération politique de Marine Le Pen”.


Corentin est comédien et dramaturge. Petites lunettes rondes, quelques poils sur le menton, le jeune homme défile avec les artistes du Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine. Une dizaine de mètres derrière une Marianne géante animée au rythme des tambours, Corentin préfère marcher sous une banderolle “Abajo la Muerte”, “non à la la mort”, en opposition au cri de ralliement des Franquistes pendant la guerre d’Espagne, “Viva la Muerte” : “ Je ne défends pas toutes les valeurs de la manifestation. C’est important de savoir derrière quelle idée se ranger. Le drapeau français, il ne faut pas non plus en avoir en honte, il faut se le réapproprier."

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“On vous promet de rire dès qu’on arrêtera de pleurer car il faut rire des cons pour ne jamais leur ressembler.” Depuis plus d’une heure et demi, Julie et Johann sont debout à l’entrée de la place de la Nation. Pancartes à la main, ils accueillent les manifestants pour que “les gens voient le message qu’on veut faire passer.” Derrière eux, des cars de police, des journalistes en duplex permanent et des centaines de jeunes installés au pied de Marianne, sur “Le triomphe de la République”. L’image est saisissante et rappelle les plus grandes heures d’expression d’unité nationale. Arabes, noirs, blancs, jeunes, vieux, hommes, femmes chantent à l’unisson la Marseillaise, célèbre la liberté d’expression avant de crier à gorge déployée : “Merci aux policiers.”



Nizar et Mickaël sont venus du Xème arrondissement de Paris et de Saint-Denis : “Les policiers, des fois, ils sont relous, d’autres fois, ils sont utiles. Pour les vrais problèmes, ils sont utiles.” Avec sincérité et conviction, les deux hommes racontent comment certains jeunes de leur quartier sont entrés dans l’islamisme radical en prison, “pour ne pas rester seul.” Les frères Kouachi ? “Deux raclots qui se sont dit, on va faire du sale” selon Mickaël, “des mecs qui ont pété un câble” renchérit Nizar. Les deux hommes sont d’accord :









                                                                  “Les frères Kouachi,

                                                                   ce ne sont pas

                                                                  des musulmans.”


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